Entretien avec Andréya Ouamba



"Je m’appelle Andréya Ouamba, je suis danseur-chorégraphe d’origine congolaise. Je vis au Sénégal depuis aujourd'hui 13 ans où j'ai créé la Compagnie 1er Temps que je dirige depuis 2000. "

"Je dansais déjà quand j’étais adolescent, j'étais dans le hip-hop, le break dance, j'ai fait du rap. Plus tard, j'ai intégré le Ballet-Théâtre Monana à Brazzaville dans lequel j'ai commencé à faire du théâtre, du chant, du conte, et de la danse traditionnelle. C'est ce groupe qui m'a forgé, qui m'a vraiment donné le goût de la danse."

"Quand je suis rentré dans ce mouvement, on ne parlait pas de danse contemporaine en Afrique. Mais il y avait déjà des lumières de certains chorégraphes qui commençaient à changer les choses, qui tendaient vers autre chose. Mais nous n’avions pas de nom pour ça."

"Il y avait d'un côté la danse traditionnelle, le théâtre, la percussion, le chant. Et de l'autre côté, d'où je venais, le break dance, le hip-hop...  Les deux ont commencé à se mettre ensemble. A chaque fois que je voulais "créer" un mouvement, ce n’était pas un mouvement de danse traditionnelle, ce n'était pas du jazz, mais c'était quelque chose qui se mélangeait entre les deux."

"Nous étions dans cette démarche de changer les choses, d'emmener les choses autre part. (...) Nous étions dans un mouvement de gens qui voulaient vraiment se découvrir et découvrir. Et aussi dans la concurrence de qui va faire mieux que l'autre. Et je pense que cet esprit de concurrence, a aussi forgé cet espace aujourd'hui au Congo, qu'on va appeler "la danse contemporaine"."



"Aujourd'hui il y a des gens qui me demandent : "Qu'est-ce qui est africain dans ton travail ?". Mais l'énergie ! L’énergie elle vient d'où ? Je peux faire une pirouette mais ça ne va pas être la même énergie qu'un danseur de l'Opéra ! Nos pirouettes n'ont pas la même source, n'ont pas la même énergie, n'ont pas la même force. On ne prend pas les choses au même endroit."

"Le travail que je fais, prend ses racines dans ce que j'ai appris au Congo, dans ce que j'ai mangé au Congo, dans ce que j'ai découvert, dans ce que j'ai aimé au Congo."

"Dans mon travail, les danseurs sont aussi créateurs. Je pense que la chorégraphie aujourd'hui n'est plus la responsabilité simple du chorégraphe, mais aussi, la responsabilité du danseur. Un danseur doit être capable de me donner des choses. C'est un espace qui se croise : je te donne, et tu me donnes. Comme ça on se nourrit pour construire des choses.  Je donne, et il donne. Je donne, il donne. Je transpire, il transpire. Il transpire, je transpire."

"Un danseur ce n'est pas simplement celui qui arrive à faire de très beaux mouvements, un danseur pour moi, c'est celui qui est capable d'utiliser son corps à n'importe quel endroit. Et celui là, sera capable de m'emporter.  Le travail est toujours complémentaire, parce que le danseur ne reproduira jamais à 100% mes idées. Je lui donne une idée et, lui, il va la construire selon son histoire, son parcours, son regard à lui. Et ça, ça donne des ouvertures dans le travail."

"Une des clefs du travail que je fais c'est l'improvisation.  L'improvisation c'est le départ de tout. Techniquement, tu es bon, d'accord, mais intuitivement, qu'est-ce que tu vaux ? Qu'est-ce que ton corps peut dégager dans un endroit où on n’a rien prévu. Qu'est-ce que tu es capable de faire ? Qu'est-ce que tu peux nous donner de plus ?"

"L'improvisation c'est une chose qui s'apprend. On apprend à improviser. Et à intégrer la notion d'improvisation en soi, pour savoir construire des choses instantanément. Donc aujourd'hui, le travail n'est pas fait seulement par le chorégraphe. Le chorégraphe apporte les clefs les plus importantes de la création et le danseur il est là pour réaliser ces choses-là. En fait, c'est lui qui va ouvrir les portes."

"Allez ailleurs est assez important dans mon travail parce que ça définit ma démarche. Si elle peut être universelle ou pas. Si ma démarche peut parler à d'autres personnes qui ne parlent pas la même langue que moi, qui ne mangent pas la même chose que moi...  Aujourd'hui, pour moi l'importance, ce n'est pas seulement de faire une belle pièce mais de savoir où est ce qu'on va puiser la chose pour faire la pièce ? C'est ça que j'appelle le travail et c'est ça qui va te permettre d'arriver quelque part."


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