Une nuit à Covè
De la rue principale qui traverse la ville de Covè, on ne se douterait pas que les étroites ruelles qui s’ouvrent de part et d’autre mènent, après une succession de courettes, à de belles et vastes places publiques ombragées d’arbres centenaires. C’est sur la place principale du quartier Zogba, que Gaëlle Beaujean et moi-même, accompagnées de nos deux guides natifs de Covè, Crespin Bokodaho et Mathieu Atekossi, avons assisté aux cérémonies masquées Efe et Gelede organisées par la famille Setto à l’occasion des funérailles d’un haut dignitaire de la société Gelede.
Le samedi 8 mai, un peu avant minuit, les tambours sont les premiers à faire leur apparition au centre de l’esplanade. Leur son sert d’appel à un groupe de chanteurs et danseurs qui s’assemblent rapidement et forment un cercle qui fait face à l’assistance. Leurs chants sont destinés à encourager les masques à sortir pendant que le public et les vendeurs de sucreries s’installent.
Après environ une heure, Agbagba, le masque médiateur dont la venue ouvre la voie aux masques, apparaît par l’entrée nord de la place. C’est un petit masque qui porte un costume de fibres et a le visage simplement couvert d’une cagoule blanche. Il tourbillonne sur lui-même et autour de l’arbre, avant de se laisser tomber dans les bras de son guide. Après sa sortie, les danseurs masqués se succèdent dans un ordre établit, chacun présentant un personnage caractérisé par une danse, un chant, un costume et un cimier sculpté particulier : Ikoyewi, au visage orange et à la coiffe blanche en forme de casque dont l’ample costume en feuilles de bananiers tourbillonne jusque sous nos nez ; Legba, le créateur de trouble et d’ordre nouveau, dont la représentation simiesque figure au sommet d’un masque cimier, assis les jambes repliées, recouvert de fibres et de coquillages ; une triade d’animaux composée du canard blanc Kpakpa, du chien domestiqué Lan et de la hyène aux costumes de raphia et de tissus ; le masque de mort qui amuse l’assistance en projetant sa tête disproportionnellement grande contre le sol et l’arbre à plusieurs reprises avant de quitter la place.
Entré en même temps que les masques d’animaux, le masque de la femme enceinte, dont le buste sculpté présente la poitrine entourée d’un serpent, avance d’un pas lourd. Une fois seule, sa danse s’anime, accompagnée par le son des sonnailles entourant ses chevilles et des hochets qu’elle tient à la main. C’est ce masque, « joué » par l’un des danseurs les plus expérimentés, qui clos la cérémonie de nuit. Il est aussi le seul parmi les masques de nuit à réapparaître l’après-midi même, pendant la cérémonie de jour. La place centrale ainsi accordée à ce masque de femme enceinte rappelle le rôle primordial des Gelede : rendre hommage aux « mères » et aux pouvoirs accordés aux femmes mures.
Je vous conseil ce magnifique film qui s'intitule "Paroles de Gèlèdè"
RépondreSupprimerun film de Cyrill Noyalet
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