Naître dans le Dahomey Français
Marie-Louise Detchenou, Professeur de français
«J’étais Française à
l’école, et Dahoméenne à la maison ; parce qu’à l’école, on nous faisait
chanter le Général De Gaulle, Pétain. C’étaient les grands hommes de
France. C’était le drapeau français qui était hissé. On se sentait,
malgré la peau, un peu Français. Mais à la maison, nous étions replongés
dans nos mœurs traditionnelles, si bien qu’on ne se faisait guère de
soucis d’être Français ou Dahoméens.»
Albert Tévoédjrè, haut fonctionnaire international, Médiateur de la République du Bénin
«Le livre d’Aimé Césaire
«Discours sur le colonialisme», qui est un livre fondateur, un livre
culturel, nous a permis de prendre conscience qu’il y avait vraiment un
problème de la colonisation, tête de pont d’une pensée, d’une action,
d’asservissement.
À partir du «Discours sur
le colonialisme», moi-même j’ai changé. J’ai été un ardent défenseur de
l’idée d’Indépendance, de l’idée du divorce avec un système où, comme le
dit Kwame Nkrumah : «Un peuple qui n’est pas gouverné par ses fils est
informe et absurde.».»
Jean Pliya, Écrivain
«Il a fallu que j’aille à l’école pour me rendre compte de ce que c’est qu’un pays colonisé.
Le drapeau qu’on hissait le
matin avant qu’on aille en classe était le drapeau français. Lorsque
nous faisions des marches dans la rue, on ne chantait pas «Enfants du
Dahomey debout !», mais on chantait «Allons enfants de la patrie !»
Alors, si vous me demandez
quelle était ma patrie, je ne pensais pas que c’était le Dahomey,
puisqu’on me disait que c’était la France. Et même quand on nous
enseignait l’histoire on nous disait : «Nos ancêtres les Gaulois» !
Donc, dans l’imaginaire de
l’enfant, on sème ces idées-là. Et l’Indépendance quand elle va arriver,
pour moi, c’est un bouleversement complet. Et l’enfant que j’étais à
l’école, les chansons, la langue que je parlais, me montraient que ce
n’était pas dahoméen et qu’il y avait un autre pays qui s’était
superposé à ma patrie. Je ne concevais pas encore le Dahomey comme une
patrie.»
Émile Derlin Zinsou, Homme politique, Ancien Président de la République du Dahomey
«À l’époque, la
colonisation était un fait qui nous paraissait normal. Et c’est plus
tard qu’on a découvert qu’on n’était pas tout à fait les mêmes que les
autres. C’est plus tard. Et pendant longtemps, ça a été une espèce de
revendication non pas d’Indépendance, mais d’égalité. Pendant longtemps,
on n’a pas parlé d’Indépendance, moi compris. Nous avons parlé
d’égalité. Mon père et les siens, ceux de sa génération ; qui se
battaient, qui étaient des hommes politiques entre guillemets, se
battaient pour l’égalité des droits et des devoirs. Nous sommes
Français. Il y a deux catégories de Français : ceux de France qui ont
des droits et lorsqu’ils sont ici, ils ont des droits ; et nous, les
Français d’Afrique de seconde zone qui n’avons que des devoirs. Donc
toute la revendication consistait à obtenir les mêmes droits, puisqu’on
avait les mêmes devoirs. C’est après, au fond, bien que l’Indépendance
soit quelque chose de naturel, que la guerre contre toutes les guerres
nous a amenés à rentrer dans la conception de la revendication de
l’Indépendance en politique.»
Gratien Pognon, Diplomate
«Je me sentais terriblement
Dahoméen mais en même temps je reconnaissais beaucoup de mérite à la
colonisation française. Et je lui reconnais ce mérite-là, j’en citerai
au moins un qui n’est pas négligeable, c’est de nous avoir donné à
travers cette belle langue, la langue française, une langue d’union non
seulement dans le Dahomey tel qu’il est tracé de façon artificielle à
Berlin, mais avec une bonne partie de l’Afrique. Derrière chaque langue
il y a une culture, donc beaucoup d’entre nous ont été terriblement
imprégnés, par la culture française, son humanisme. Je pense que tout
cela a fait un métissage avec nos traditions et nous étions tous
partisans de ce métissage. Voilà comment moi j’ai vécu la colonisation.»
Pour découvrir la suite des témoignages : www.racontemoilindependance.org
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