Première journée de la 3ème édition de « Dansons Maintenant ! »


©Antoine Tempé

Les festivités ont bien démarré aujourd’hui avec en ouverture à la Place des Martyrs la danse de la marraine de l’évènement, Germaine Acogny. une danse simple et pourtant complexe. Une danse-prière, une danse-offrande. C’était la première fois que cette grande dame de la chorégraphie africaine dansait sur la terre de ses ancêtres. Elle a parcouru les scènes du monde entier et n’avait jamais été auparavant invitée à danser au Bénin. C’était donc un moment très fort et émouvant pour Germaine Acogny, mais également pour le public, touché par cette personnalité. la présence sereine et souveraine de la danseuse était impressionnante de profondeur et de charisme.

©Elodie Chevalme
À la suite de ce prélude, a suivi la restitution des danseurs professionnels en formation avec Patrick Acogny. Une très belle restitution, bien habitée et vécue par les danseurs, qui ont su incarner, le temps d’une danse, un parent proche ou éloigné à travers les musiques africaines des années 60, 70, et 80. Ce fut un joli moment de danse, d’atmosphère et de partage pour les danseurs avec le public mais également entre eux.
La soirée s’est poursuivie ensuite avec le solo de Qudus Onikeku. Le danseur chorégraphe nigérian présentait le spectacle Africaman Original. Entre danse, performance, stand-up, chant et cours de danse, le spectacle nous montre un danseur très charismatique et à l’aise sur le plateau et qui parle aussi bien le français que l’anglais, sa langue natale. Malgré un problème technique avec le son qui interrompt brièvement la pièce, Qudus Onikeku nous fait voyager dans un univers particulier. Les images vidéo sont des images d’archives de danses noires d’Afrique mais aussi du Brésil. La répétition des images est en elle-même une chorégraphie, en parfaite synchronie avec la musique du spectacle. Pleins de questions sont soulevées par ce jeune artiste talentueux, notamment le rapport au son et à la musique, mais aussi à l’image de la vidéo et au danseur lui-même dans ses gestes et mouvements, dans sa corporéité. Il est rare qu’un danseur s’adresse directement au public. Qudus Onikeku n’hésite pourtant pas à le faire. Il va jusqu’à inviter le public à prendre un cours de danse avec lui sur la très belle musique de Fela, le fil conducteur de cette performance. On passe un très bon moment avec ce danseur même si la fin semble un peu longue. Soulignons le remarquable travail du vidéaste Isaac Lartey.
La dernière pièce de la soirée est celle de Marcel Gbeffa, danseur et chorégraphe béninois. elle s’appelle ‘’Root in’’. En fond de scène, des vêtements de toutes les couleurs et de toutes les formes qui pendent sur un grand support de bois occupant toute la surface du mur, avec une table, une chaise et un pneu. On a le droit à un très beau solo de Marcel Gbeffa, sobre et précis, montrant l’excellente maîtrise acquise par ce danseur au fil des années. On n’est pas très sûr du rapport entre ce solo et ce qui suit. Malgré une attente un peu longue, sans doute un petit incident technique, on voit une série de clichés montrant des danseurs dans différentes postures et attitudes. Puis la danse se développe avec un cortège d’images magnifiques et humoristiques. La deuxième partie semble commencer, marquée auparavant par un « noir » sur le plateau. Elle commence de façon calme et lente également, pour évoluer peu à peu vers la violence et la mort. Il y a chez Marcel Gbeffa un peu de Wim Vandekeybus, le chorégraphe belge. Un engagement physique, sauvage, voire exalté chez ses danseurs. A la différence de ce dernier, il ne cherche pas l’exploration des limites, il n’est pas dans cette énergie aux limites du possible. Mais on le sent fasciné par la question de la violence et de sa folie, ainsi qu’aux limites auxquelles elles peuvent mener, c’est-à-dire à la mort, qui est la seule limite inexorable pour le corps et la conscience. 

Patrick Acogny

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