Les chapelets sont jetés.

©Gaelle Beaujean/Bokonon Gbodja,Abomey
Après les bas-reliefs, poursuivons la découverte d’Abomey. Nous rendons régulièrement visite au devin bokonon qui nous permet d’assister à des séances de consultation. Chacune d’elles nous permet de (re)découvrir un mythe qu’envoie Fà, le destin, à son médiateur le bokonon. Voici l’un des derniers récits recueilli : Fà, criblé de dettes qu’il ne pouvait honorer immédiatement, se trouva harcelé par ses créanciers : le léopard, le chasseur et la vipère. La révolte de ces trois personnages troubla profondément son sommeil. Fà consulta ses chapelets qui lui dirent alors qu’ils viendraient le violenter. Il prépara trois petits colis. Il prétexta une consultation quand le léopard arriva. Il lui dit « Attends un peu sous l’arbre dehors, ton colis est prêt, j’arrive ». Celui-ci se hissa dans l’arbre et attendit tranquillement. Puis vint la vipère, Fà lui tint le même discours. Elle se tapit dans les feuilles sèches sous l’arbre. Enfin, le chasseur se présenta. Il dût également patienter mais remarqua immédiatement le léopard sur lequel il tira. L’animal mourut sur le coup, mais le chasseur marcha sur la vipère qui le mordit. Il dégaina son couteau et lui trancha la tête. Le venin eut toutefois raison de lui et le chasseur tomba raide mort. Ainsi les trois imposteurs du Fa se sont entretués et Fà se retrouva sans aucune dette.
Quand on a une dette, il faut la solder mais les circonstances ne sont pas toujours favorables. Les trois acteurs, soucieux de récupérer leurs dûs et convaincus de leur pouvoir, se sont révoltés sans chercher à comprendre. La prudence et la compréhension s’imposaient, même s’ils étaient dans leur droit. Ce n’est pas parce qu’on est en position de force qu’il faut réagir violemment.
Le bokonon a d’abord un rôle social dans la société traditionnel fon. Chaque consultation révèle aussi un enseignement sur l’organisation de la société et du monde. Il ne peut nuire en aucun cas, il suggère au consultant des pistes de réflexion qui l’aideront à trouver la réponse à son problème et rétablir l’ordre en et autour de lui. Parfois, il est nécessaire de réaliser des sacrifices par la confection de sculptures, l’acquisition d’objets ou d’animaux par exemple. Le plus célèbre d’entre eux se nommait Gédègbe, devin des rois Glèlè (1858-1889), Béhanzin (1890-1894) et Agoli Agbo (1894-1900).
Gaëlle et Gabin

Commentaires

  1. Jusqu'où pouvons-nous aller au risque de tout perdre, voire la vie? La pensée est vaste et recouvre l'environnement économique et moral. Il faudrait des bokonons dans chaque quartier pour apaiser toutes les tensions.
    Merci pour cette fable pleine de sagesse.

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