A la découverte d’Abomey : Le poisson, enfant du soleil
©Jean-Dominique Burton - Cyprien Tokoudagba * |
Dans la nuit, ils sont discrets, invisibles, insoupçonnables à l’heure où les étoiles scintillent non loin de leur mère, la lune. Mais ils apparaissent avec le soleil, lui qui nourrit de sa lumière les écailles argentées de ses enfants, les poissons. En langue fon, au Bénin, les devins racontent que la lune et le soleil décidèrent de se séparer, chacun, de leurs enfants. Le soleil, naïf et confiant, respecta le pacte. Ses enfants furent installés sur terre, dans l’eau. La lune en revanche trahit le soleil en maintenant à ses côtés ses enfants, les étoiles. La langue fon regorge d’analogies entre les phénomènes naturels et le comportement de l’homme. L’homme est le miroir de la nature, l’homme n’a rien créé : tout est là, y compris les qualités et les défauts moraux. Ce n’est pas parce qu’on fut naïf qu’on ne survit pas. Les poissons sont toujours dans l’eau et les étoiles dans le ciel ; nous avons besoin de chacun.
A Abomey comme dans toute la région fon, le mot poisson hwevi tient son origine de hwe, soleil et de vi enfant. Par extension hwe, se rapporte aussi au temps, hwe nu. Sur les murs des palais royaux, ce poisson au cœur de la niche peut inspirer diverses interprétations. Chacun trouve sa place, comme le poisson et les étoiles. Certains comprennent aussi une interprétation militaire « à un certain temps, je serai victorieux». Comme on ne peut dessiner le temps, on recourt au poisson.
Les bas-reliefs révèlent des messages explicites, une bataille par exemple, mais aussi des rébus. Le spectateur doit recourir à sa maîtrise de la langue et n’hésite pas à associer librement des événements de l’histoire et des mythes. Cette image du poisson, que j’associais maladroitement à une interprétation de l’emblème du roi Béhanzin, fut associée par mes deux comparses de culture fon (Gabin Djimassé et Ba Nondichao) au temps et à la mythologie rapportée dans le Fà, géomancie pratiquée dans la région.
Gaëlle
*Bas relief de la salle de réception Ajalala du Palais du Roi Glélé, à Abomey
merci Gaëlle cet article est vraiment passionnant!!!
RépondreSupprimerc'était moi
RépondreSupprimerC'est très beau et très étrange, merci Gaëlle ! Je me demande pourquoi les poissons, justement, sont-ils enfants du soleil, eux qui vivent dans l'obscurité des mers ou des lacs ? Et de qui les oiseaux sont-ils les enfants ?
RépondreSupprimerEn tout cas, merci, nous avons hâte de découvrir d'autres histoires d'Abomey
Ce sont de belles images poétiques qui révèlent les intuitions et les certitudes de l'histoire universelle où se rejoignent toutes les cultures. On ne peut s'empêcher de penser à "les hommes sont des poussières d'étoile" (TRINH XUAN THUAN ou aussi Hubert REEVES. On est ravi de suivre dans la succession de l'Evolution, cet être marin, l'enfant du soleil, qui évolue dans les sombres profondeurs.
RépondreSupprimer@Anne : les écailles des poissons agissent comme de tout petits miroirs et reflètent le soleil, raison pour laquelle ils lui sont associés. Le mot "oiseau" ne comprend pas, en langue fon, le terme "enfant". Les mythes et récits historiques que j'ai recueillis jusqu'à présent s'attardent sur l'aigle ou, comme cela est fréquent en Afrique de l'ouest, du calao.
RépondreSupprimerbravo
RépondreSupprimer