"L'avenir du pays c'est vous"
« Je voudrais donner ce message aux
enfants, aux jeunes : la photo, tout comme le dessin, c’est une démarche
personnelle. L’avenir du pays c’est vous et l’avenir des photos même, c’est
vous.
Le photographe Malick Sidibé lors de l’exposition "Malick Sidibé 08" à la Fondation Zinsou à Cotonou ©Fondation Zinsou |
J’ai commencé à être connu quand j’avais
soixante-deux ans, je n’ai pas eu tout de suite de l’argent. Oui il faut de
l’argent, parce que rien ne peut aller sans l’argent mais l’important c’est
d’abord le goût du travail et l’honneur ! J’ai dit à Houston[1], que nous les
artistes, sommes mieux que nos présidents. Nous sommes logés, nous ne payons
pas de transport ni de nourriture lors de nos déplacements à l’étranger, et ce,
grâce à l’art ! Quand vous êtes artiste et que vous partez à l’étranger, vous
ne payez pas d’avion et vous ne prenez pas dans la caisse de l’Etat. Au
contraire, à votre retour, vous remplissez la caisse du pays ! C’est tout ce
que nous pouvons donner et c’est la meilleure des choses.
Le photographe Malick Sidibé lors de l’exposition "Malick Sidibé 08" à la Fondation Zinsou à Cotonou ©Fondation Zinsou |
C’est donc un métier où il faut vraiment se
donner. Il faut travailler, consciencieusement, avec patience et courage. Et il
faut faire cela chez vous, ici en Afrique. Le monde finira par vous regarder !
Vous êtes chanceux, vous avez toutes les possibilités et toutes les
potentialités pour le faire dans votre pays. Je n’ai pas appris la photo à
l’école mais dans un studio photo. Je m’y suis investi parce que j’avais le
goût et la passion de l’image, et je vous souhaite d’avoir la même chose. C’est
à vous maintenant de chercher, non pas l’argent, mais un métier et une capacité
intellectuelle. Il faut chercher cela et dans l’avenir cela vous apportera
quelque chose !
Quand j’avais soixante-deux ou
soixante-trois ans, j’étais déjà presque une star, mais où ai-je appris ? Dans
la ville de Bamako ! Je ne suis parti nulle part ! Faites vos photos ici, je
crois que c’est cela même qui a donné de l’importance à mon travail parce que
je n’ai pas fréquenté l’étranger. Personne ne peut dire que j’ai copié ici ou
là ! J’ai tout fait en Afrique ! Vous avez déjà l’appareil, la machine est là…
à vous de la faire travailler !
Le studio de Malick Sidibé à Bamako en 2007 ©Fondation Zinsou |
Il y a plusieurs années, quand un fils
voulait devenir footballeur, son père le menaçait de lui casser les jambes s’il
jouait, alors qu’aujourd’hui les footballeurs sont milliardaires. Quand ma
grande sœur chantait, on faisait tout pour casser sa voix, pour qu’elle ne
chante pas. Lorsque j’ai débuté le dessin, des gens venaient me dire "Mais
toi tu fais le dessin ? Tu imites Dieu ? Tu imites Dieu comme ça ? Mais alors
demain Malick, est-ce que tu vas mettre l’âme dans ce que tu fais ?". La
passion m’a toujours guidée. Je n’ai pas écouté les gens. En 1955, quelqu’un
est passé au studio et m’a dit :
"Mais ton patron là, est ce qu’il
gagne de l’argent ? Est-ce qu’il arrive à vous payer ?
- Oui, il arrive à me payer
- Mais la photographie c’est mauvais.
Demain on vous dira de mettre l’âme dans tout ce que vous faites.
- Est-ce que tu sais dessiner ?
- Non
- Et la photo ?
- Non plus
- Le Dieu qui m’a donné cette possibilité
intellectuelle de dessiner, peut-être que ce même Dieu me donnera la capacité
de mettre l’âme là-dedans." C’est comme ça, quand on est passionné pour
quelque chose. !
Au Mali, si l’art est un peu empêché, c’est
à cause des marabouts. Mais aujourd’hui les marabouts sont à la recherche des
photos parce que rien à part les images, ne peut les représenter après leur
mort. »
Malick Sidibé
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