Textes lus lors de la performance de Gisèle Adandedjan
Y en a qui deviennent sergents
Ou marchands d'peinture
Y en a qui vendent des cure-dents
Ou de grosses voitures
Y en a qui restent tout l'temps
Enfermés comme des patates
Mais moi quand je serai grand
Je serai pirate.
Les pirates ont des tas d'frégates
Des sabres pointus et pas de cravate
Les pirates ont du poil aux pattes
Et un' tête de mort sur les omoplates
Les pirates ont des jamb' de bois
Et de gros saphirs luisent à leurs doigts
Les pirates ont des nez vermeils
Et des anneaux d'or pendus aux oreilles
Ils vont sur la mer par bon vent arrière
Et mont' à l'abordage avec des cris sauvages
Tuent les matelots flanquent les corps à l'eau
Et prennent les gonzesses pour leur pincer les
fesses
Les pirates ont de gros mousquets
Des tonneaux de poudre et des perroquets
Les pirates sont borgnes d'un œil
Et leur pauvre mère est toujours en deuil.
J'ai grandi, c'était forcé
Et j'vis à Pigalle
Je tiens un café
Réservé aux mâles
C'est des garçons bien gentils
I s'cassent pas les omoplates
Ils font bosser les souris
Les derniers pirates...
Les pirates ne paient pas d'impôts
Et s'font des tatouages sur les biscotos
Les pirates vivent au jour le jour
Ca n'les empêche pas de faire du v'lours
Les pirates ont des foulards noirs
Et versent le fric à pleins arrosoirs
Les pirates n'aiment pas la bagarre
Et règlent leur compte sur le coin d'un bar
Ils vont à Paris dans les boites de nuit
Ramassent les pucelles pour rénover l'cheptel
Paient les argousins pour protéger l'turbin
Et prennent les gonzesses pour leur botter les
fesses
Les pirates sont toujours d'Ajaccio
Ils n'ont peur de rien sinon du boulot
Les pirates qu'ont tout ramassé
Font d'la politique et d'viennent députés.
Parce qu'à notre époque
De productivité
Il faut des spécialistes à tous les postes clés...
"L’homme d’affaires"
Noir
Désir, Un homme pressé,
album 666.667 club sorti en 1996
album 666.667 club sorti en 1996
J'suis un mannequin glacé
Avec un teint de soleil
Ravalé, Homme pressé
Mes conneries proférées
Sont le destin du monde
Je n'ai pas le temps je file
Ma carrière est en jeu
je suis l'homme médiatique
je suis plus que politique
je vais vite très vite
j'suis une comète humaine universelle
je traverse le temps
je suis une référence
je suis omniprésent
je deviens omniscient
j'ai envahi le monde
Que je ne connais pas
Peu importe j'en parle
Peu importe je sais
j'ai les hommes à mes pieds
Huit milliards potentiels
De crétins asservis
A part certains de mes amis
Du même monde que moi
Vous n'imaginez pas
Ce qu'ils sont gais
Qui veut de moi
Et des miettes de mon cerveau
Qui veut entrer
dans la toile de mon réseau
Militant quotidien
De l'inhumanité
Des profits immédiats
Des faveurs des médias
Moi je suis riche très riche
je fais dans l'immobilier
je sais faire des affaires
Y'en a qui peuvent payer
j'connais le tout Paris
Et puis le reste aussi
Mes connaissances uniques
Et leurs femmes que je...
Fréquente évidemment
Les cordons de la bourse
Se relâchent pour moi
Il n'y a plus de secrets
Je suis le Roi des rois
Explosé l'audimat
Pulvérisée l'audience
Et qu'est-ce que vous croyez
C'est ma voie c'est ma chance
j'adore les émissions
A la télévision
Pas le temps d'regarder
Mais c'est moi qui les fais
On crache la nourriture
A ces yeux affamés
Vous voyez qu'ils demandent
Nous les savons avides
De notre pourriture
Mieux que d'la confiture
A des cochons
Qui veut de moi
Et des miettes de mon cerveau
Qui veut entrer
Dans la toile de mon réseau
Vous savez que je suis:
Un homme pressé
Un homme pressé
Un homme pressé
j'suis une victime en fait
Un homme pressé
Un homme pressé
Un homme pressé
je suis un militant quotidien
De l'inhumanité
Et des profits immédiats
Et puis des faveurs des médias
Moi je suis riche très riche
je fais dans l'immobilier
je sais faire des affaires
Y'en a qui peuvent payer
Et puis je traverse le temps
je suis devenu omniprésent
je suis une super référence
Je peux toujours ram'ner ma science
Moi je vais vite très vite
Ma carrière est en jeu
je suis l'homme médiatique
Moi je suis plus que politique
Car je suis un homme pressé
un homme pressé
un homme pressé
un homme pressé
un homme pressé
un homme pressé
Love Love Love
Dit-on en Amérique
Lioubov
Russie ex-soviétique
Amour
Aux quatre coins de la France
Boris Vian, J’suis
snob
J´suis snob... J´suis snob
C´est vraiment l´seul défaut que j´gobe
Ça demande des mois d´turbin
C´est une vie de galérien
Mais lorsque je sors à son bras
Je suis fier du résultat
J´suis snob... Foutrement snob
Tous mes amis le sont
On est snobs et c´est bon
Chemises d´organdi, chaussures de zébu
Cravate d´Italie et méchant complet vermoulu
Un rubis au doigt... de pied, pas çui-là
Les ongles tout noirs et un tres joli p´tit
mouchoir
J´vais au cinéma voir des films suédois
Et j´entre au bistro pour boire du whisky à gogo
J´ai pas mal au foie, personne fait plus ça
J´ai un ulcère, c´est moins banal et plus cher
J´suis snob... J´suis snob
J´m´appelle Patrick, mais on dit Bob
Je fais du ch´val tous les matins
Car j´ador´ l´odeur du crottin
Je ne fréquente que des baronnes
Aux noms comme des trombones
J´suis snob... Excessivement snob
Et quand j´parle d´amour
C´est tout nu dans la cour
On se réunit avec les amis
Tous les vendredis, pour faire des snobisme-parties
Il y a du coca, on deteste ça
Et du camembert qu´on mange à la petite cuiller
Mon appartement est vraiment charmant
J´me chauffe au diamant, on n´peut rien rêver
d´plus fumant
J´avais la télé, mais ça m´ennuyait
Je l´ai r´tournée... d´l´aut´ côté c´est
passionnant
J´suis snob... J´suis snob
J´suis ravagé par ce microbe
J´ai des accidents en Jaguar
Je passe le mois d´août au plumard
C´est dans les p´tits détails comme ça
Que l´on est snob ou pas
J´suis snob... Encor plus snob que tout à l´heure
Et quand je serai mort
J´veux un suaire de chez Dior!
La chair est triste, hélas ! et j’ai
lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des
oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les
cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés
par les yeux,
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer
se trempe,
Ô nuits ! ni la clarté déserte
de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur
défend,
Et ni la jeune femme allaitant son
enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta
mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature
!
Un Ennui, désolé par les cruels
espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des
mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les
orages,
Sont-ils de ceux qu'un vent penche
sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni
fertiles îlots…
Mais, ô mon cœur, entends le chant
des matelots !
Simone De Beauvoir, extrait de "La femme indépendante" extraits du Deuxième Sexe,
Paris, Gallimard, coll. Folio, 2009, p.22-24 –
Paris, Gallimard, coll. Folio, 2009, p.22-24 –
S’il n’y a plus aujourd’hui de féminité, c’est qu’il n’y
en a jamais eu. Cela signifie-t-il que le mot « femme » n’ait aucun
contenu ? C’est ce qu’affirment vigoureusement les partisans de la
philosophie des lumières, du rationalisme, du nominalisme : les femmes
seraient seulement parmi les êtres humains ce qu’on désigne arbitrairement par
le mot « femme » ; en particulier les Américaines pensent
volontiers que la femme en tant que telle n’a plus lieu ; si une attardée
se prend encore pour une femme, ses amies lui conseillent de se faire
psychanalyser afin de se délivrer de cette obsession. À propos d’un ouvrage,
d’ailleurs fort agaçant, intitulé Modern
Woman : a lost sex, Dorothy Parker a écrit : « Je ne peux
être juste pour les livres qui traitent de la femme en tant que femme…Mon idée
c’est que tous, aussi bien hommes que femmes, qui que nous soyons, nous devons
être considérés comme des êtres humains.
L’attitude de défi dans laquelle se crispent les Américaines
prouve qu’elles sont hantées par le sentiment de leur féminité. Et en vérité il
suffit de se promener les yeux ouverts pour constater que l’humanité se partage
en deux catégories d’individus dont les vêtements, le visage, le corps, les
sourires, la démarche, les intérêts, les occupations sont manifestement
différents : peut-être ces différences sont-elles superficielles,
peut-être sont elles destinées à disparaître. Ce qui est certain c’est que pour
l’instant elles existent avec une éclatante évidence.
Si sa fonction de femelle ne suffit pas à définir la femme, si
nous refusons aussi de l’expliquer par « l’éternel féminin » et si
cependant nous admettons que, fût-ce à titre provisoire, il y a des femmes sur
terre, nous avons donc à nous poser la question : qu’est-ce qu’une
femme ?
"L’homme d’affaires"
Ngozi Chimamanda Adichie,
extrait de « Chants d’oiseaux », extrait de L’Afrique qui vient,
anthologie, recueil de textes, Paris, Hoëbeke, coll. Étonnants voyageurs, 2013, p.28-29 –
anthologie, recueil de textes, Paris, Hoëbeke, coll. Étonnants voyageurs, 2013, p.28-29 –
Ses trois téléphones portables sonnaient souvent ; je
savais quand c’était sa femme parce qu’il allait à la salle de bains ou sortait
sur la véranda, et je savais quand c’était un officiel du gouvernement, parce
qu’après, il soupirait : « Pourquoi ces administrateurs ne
peuvent-ils pas laisser les gens tranquilles ? » Mais il était clair
qu’il aimait bien être appelé par les administrateurs ou par le directeur du
restaurant qui venait le saluer à notre table : « Quel plaisir de
vous voir, sah. » Il feuilletait
le supplément du Sunday Magazine pour
y trouver des photos de lui et, quand il en voyait une, il disait d’une voix
doucement plaintive : « Regarde ça. Pourquoi transformer les hommes
d’affaires en stars ? » Pourtant, il ne portait jamais le même costume
lors de deux événements, à cause des photographes de presse. Il avait un ego
luisant comme un gros globe bien rond qui avait constamment besoin d’être poli.
Il agissait pour les gens. Il leur donnait de l’argent ou des contacts, il
aidait leur famille à trouver du travail et, quand arrivaient leurs louanges et
expressions de gratitude, il me montrait leurs messages de remerciements. L’un
disait, je m’en souviens : « L’histoire vous immortalisera comme
un grand homme » ; ses yeux brillaient, je l’entendaient presque
ronronner. (…)
"Le chef (celui qui a vendu l’Afrique aux colons)"
Aimé Césaire, extrait de La
tragédie du roi Christophe,
Dakar, Présence Africaine, 1970,p.39, p.83-84 –
Dakar, Présence Africaine, 1970,p.39, p.83-84 –
CHRISTOPHE
debout, bras tendu devant l’Évangile.
Je jure de maintenir l’intégrité du territoire et
l’indépendance du royaume : de ne jamais souffrir sous aucun prétexte le
retour de l’esclavage ni d’aucune mesure contraire à la liberté et à l’exercice
des droits civils et politiques du peuple d’Haïti, de gouverner dans la seule
vue de l’intérêt, du bonheur et de la gloire de la grande famille haïtienne
dont je suis le chef. (…)
CHRISTOPHE
Je vous charge, Prézeau, d’expédier l’affaire Basin. Je l’ai
fait comte de Mont-Roui, lui ai donné en fief Deschapelles et j’apprends qu’il
fait fouetter les paysans. Que diable ! J’ai mis à sa disposition des
travailleurs, je ne lui ai pas donné d’esclaves ! Dépêchez-là bas une
section de Royal-Dahomets. Que l’on attache le gérant fouetteur à un arbre, sur
la place publique, devant le peuple assemblé. Et qu’on le démolisse à corps de
sabre, membre après membre.
Quant à Basin, délivrez-lui message qu’il vienne ici demain.
Nous n’aurons jamais assez de main d’œuvre à la Citadelle.
Il est temps de mettre à la raison ces nègres qui croient que
la Révolution ça consiste à prendre la place des Blancs et continuer, en lieu
et place, je veux dire sur le dos des nègres, à faire le Blanc.
Prézeau, vous toucherez aussi un mot, je dis un mot ferme, au
directeur du dépôt d’étalons au haras de Pâture de Bronze. Dites à Rigolo
Socrate, puisqu’ainsi il se nomme, que je ne rigole pas du tout. Il m’écrit
qu’un de mes étalons anglais est mort. Mandez-lui une fois pour toutes que
Socrate est homme, donc mortel ; que mes chevaux à moi ne sont pas des
hommes ; qu’ils peuvent changer de poil, mais ne meurent pas. Sur ce
pied-là, je lui donne un délai de trois mois pour qu’il me remplace ma bête.
Sinon, je le fais sabrer devant sa hatte. A vous Richard ! Nous avons un
compte à régler ensemble. (…)
Jacques
Prévert, La vie n’a pas d’âge
La
vie n’a pas d’âge,
La
vraie jeunesse ne s’use pas
On
a beau l’appeler souvenir
On
a beau dire qu’elle disparaît
On
a beau dire et vouloir dire que tout s’en va
Tout
ce qui est vrai reste là
Quand
la vérité est laide
C’est
une bien fâcheuse histoire
Quand
la vérité est belle
Rien
ne ternit son miroir
Les
gens très âgés remontent en enfance
Et
leur cœur bat
Là
où il n’y a pas d’autrefois
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