le 9ème art en 9 étapes selon Hector Sonon
1.
L’IDEE
/ LE SYNOPSIS
"D’abord
il faut avoir l’idée. Je peux écrire deux ou trois phrases pour ne pas oublier,
et laisser mûrir. Sans développer, je jette sur le papier quelques images,
quelques esquisses. A un moment donné je décide d’écrire le synopsis, les
grandes lignes de l'histoire.
Dans
le cas de Toubab or not toubab, Casterman m'a proposé de travailler avec un scénariste
à partir du roman de Jean-Claude Derey. C'est la première fois que je
travaillais à l'adaptation d'un roman et en équipe. J'ai donc proposé que nous
fassions un premier découpage, chacun de notre côté car j'avais peur que nous
ne voyions pas la même chose dans le livre et qu'il soit trop éloigné de mon
univers. En réalité notre découpage était très similaire à une ou deux
exceptions près.
2.
LA MISE
EN PAGE / COMPOSITION
"A
partir du synopsis, je commence à définir le nombre de pages, le nombre de
cases par page et à développer l'histoire, sous forme de dessin. Petit à petit,
des compositions avec des petites esquisses apparaissent. En même temps, j’écris
les dialogues qui me viennent, de façon brute, juste pour ne pas les oublier et
je dessine rapidement les petits personnages. Ainsi de suite. Je fais comme ça
pour toutes les pages que je numérote : bulles et textes."
3.
LES
PERSONNAGES
"Après,
il faut travailler sur les personnages, définir ce qu’ils sont : est-ce qu’ils
sont gros, grands, comment ils s’habillent….
Suite
à mon travail dans la presse satirique, j’ai pris l’habitude de dessiner des
personnages à partir de personnes réelles et beaucoup d’images sont restées en
moi. J’ai une espèce de "gamme de personnages" à ma disposition dans
mon esprit.
Parfois,
je m’assois dans un café, et j’observe les gens… J’observe simplement, sans
dessiner ; il y a des millions de visages et tous sont différents.
Mes
personnages ne sont pas des proches ou des gens que je connais, ce sont des
personnages fictifs puisés depuis ma "banque d’images". J’y trouve
chaque personnage correspondant au rôle qui lui est donné dans mon
histoire.
Les personnages doivent forcément être
différents les uns des autres, et surtout le personnage principal car il faut l’identifier
clairement des autres personnages. Les personnages ne doivent pas avoir de
traits qui ressemblent à ceux du personnage principal.
Il y a une recette
"classique" quand il y a beaucoup de personnages dans une histoire,
chacun doit être différent pour ne pas créer de confusion chez les
lecteurs.
Pour Toubab or not toubab le scénariste
m’a fait une description très précise de chacun des personnages, c’est ce qui
ma donné les traits de chacun."
4.
LA
DOCUMENTATION/ L’ENVIRONNEMENT / LES DECORS
"Ensuite
il faut créer les décors. Si je dois dessiner une ville d’Algérie, il faut que
j’aille chercher des documents, pour qu’on reconnaisse cet endroit, même sans
bulle. Dès qu’on voit les décors, on doit pouvoir se dire "ha ça c’est
dans le Maghreb.
C’est
ce qu’on appelle la documentation, c’est une étape importante du travail. Et c’est
surtout essentiel lorsque vous travaillez sur un sujet historique. Si votre
histoire se passe dans les années 70, ou bien dans les années 60, il faut
savoir comment les gens s’habillaient à cette époque, quelles sont les voitures
que les gens utilisaient, bref, tous les éléments qui doivent enrichir votre décor.
Il
m’arrive aussi de sortir, d’aller faire des croquis au dehors pour dessiner des
objets pour lesquels je n’ai pas de documents ou de photos."
5.
LE
PREMIER CRAYONNE
"Une
fois tous ces éléments réunis, je me replonge dans mes pages. A partir de ce découpage
je fais ce que l'on appelle le premier crayonné. Je positionne les personnages.
Avec des traits légers, on commence à reconnaître le visage des gens. Je précise
de plus en plus les traits."
6.
LE
CALIBRAGE
"C’est
à ce moment que la longueur des dialogues est adaptée à la taille de la bulle
car une fois que le travail est terminé, le texte ne doit pas dépasser l’espace
réservé à la bulle."
7.
LE
CRAYONNE POUSSE
"Après
cette étape, vient ce qu’on appelle le crayonné poussé, je précise vraiment les
traits avec le crayon."
8.
LE BLEU
"Aujourd’hui,
certains dessinateurs utilisent un crayon bleu pour les esquisses, car lorsque
les images sont scannées en noir et blanc le scanner ne détecte pas la couleur
bleue. Cela évite de gommer et ça permet de gagner du temps car effacer est un
travail fastidieux pour les dessinateurs. Le crayon bleu est un crayon qui était
utilisé dans les studios d’animation, de plus en plus de dessinateurs de BD l’utilisent
aujourd’hui. Moi, j’aime le crayon, même si de temps en temps j’utilise le
bleu, j’aime beaucoup le dessin au crayon."
9.
L’ENCRE
/ LA COULEUR
"Il
m’est arrivé de faire des bandes dessinées en couleur même si je travaille
beaucoup plus en noir et blanc. J’utilise très peu de numérique pour les
couleurs. J’utilise beaucoup d’aquarelle et d’acrylique. Et dans ce cas, une
fois que je fais le crayonné poussé, je passe directement à la couleur.
L'encrage vient en dernière position.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime particulièrement le noir et
blanc. Dans Toubab or not toubab, je souhaitais que l’album soit en noir et
blanc, mais cela n’a pas été possible car cette collection est en couleur. J'ai dessiné toutes les planches en
noir et blanc, ensuite je les ai scannées et les ai envoyées à un coloriste. Je
n'avais jamais travaillé avec un coloriste et au départ, nous n'étions pas d'accord
sur les tonalités à donner à l'album. Lui souhaitait des teintes pastel alors
que je voulais des aplats de couleurs sans nuances. J’ai tenu malgré la colorisation à ce que mes noirs ne disparaissent pas,
qu'ils gardent leur force et que le lecteur sente que le dessin original était
en noir et blanc. Nous
avons trouvé un juste milieu pour que les couleurs ne disparaissent pas, pour
qu’elles apportent quelque chose à mon noir et blanc.
A cette étape du travail, les textes ne sont pas encore dans les
bulles. En général, j’écris directement mes textes à la main. Aujourd’hui, il y
a des logiciels qui permettent de créer sa propre typographie à partir de la
manière dont on écrit. C’est ce que Casterman a fait pour Toubab or not toubab.
Mais pour la plupart de mes bandes dessinées personnelles, j’écris tout à la
main. Pour moi les textes font partie intégrale de l’album, du graphisme, du
dessin. Et c’est très important de trouver une typographie qui corresponde à
son style de dessin, qui ne soit pas "hors de l’image". Le texte fait
partie de l’image.
Une fois
que les couleurs sont terminées, que les textes dans les bulles sont placés, c’est
l’imprimeur qui s’occupe du reste. Entre temps, la couverture a déjà été faite
pour la promotion de l’album."
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