D'Abomey à Ouidah, "Les Ciels Fantasmés" de Pauline Guerrier





            Lors de la résidence de l’artiste à la Fondation Zinsou, « Les Ciels Fantasmés d’Afrique » en cours d’élaboration                © Pauline Guerrier

 

« La première série produite au cours de ma résidence à la Fondation Zinsou, est un travail de collage de tissu que j’ai fait parce que je me suis rendue compte que l’une des plus grosses productions locales au Bénin était le coton. Cette matière, est, pour moi, particulièrement pure et noble. Elle m’a tout de suite séduite. Ensuite, je me suis intéressée à la teinture, c’est une technique que j’avais déjà envie d’apprendre auparavant. J’avais fait quelques essais de « tie and dye[1] », mais cela n’avait pas été très concluant. 


 

Lors de la résidence de l’artiste à la Fondation Zinsou, tissus teintés en cours de séchage © Pauline Guerrier     

 

« Le fait de me retrouver ici et de revenir à des choses brutes, cela m’a permis de rencontrer des gens qui allaient m’orienter vers une approche nouvelle du textile. Par exemple, j’ai appris la teinture grâce à une femme rencontrée près d’Abomey[2]. Elle m’a emmené chercher de l’indigo en forêt et m’a montré comment teindre le tissu. A partir de là, j’ai fait des expériences et de cela, en sont sorties différentes choses... Là, en l’occurrence, la teinture de presque cent cinquante tissus de couleurs différentes. J’ai par exemple mélangé du curcuma avec du gingembre pour obtenir une sorte de jaune, que j'ai fait bouillir avec de la sciure de bois. J’essayais d’obtenir des gammes de couleurs. Et puis il y a aussi des couleurs auxquelles je ne m’attendais pas, qui sont apparues, par exemple quand j’ai laissé les tissus dehors sous la pluie... Ça, ça a été une expérience assez drôle parce que je n’avais pas du tout prévu cela et mes tissus se sont retrouvés trempés. Quand je me suis levée le lendemain matin, la pluie avait délavé certaines parties et créé une patine[3] sur la matière. J’habitais dans une maison où il n’y avait pas beaucoup d’eau, je récupérais justement l’eau de pluie pour faire ma teinture. Je suis arrivée finalement à une sorte de cycle entre l’eau, la teinture, le séchage au soleil et la pluie…

 


 Tests de teinture sur tissus, du carnet de travail de l’artiste Pauline Guerrier, lors de la résidence à la Fondation Zinsou en 2018 © Pauline Guerrier

 

Dessin préparatoire à la série « Les Ciels Fantasmes d’Afrique », lors de la résidence à la Fondation Zinsou en 2018 

© Pauline Guerrier

 

« Je transformais ensuite ces tissus en lamelles, en les déchirant en fines bandelettes pour en faire de très grandes tapisseries, des grands collages qui ont pris le nom de : Ciels Fantasmés d’Afrique. Ils représentent une interrogation sur l’obsession, sur ce lien entre la terre et les éléments et sur ce que j’ai ressenti en étant ici. C'est de là que sont nés ces collages qui représentent la force de la pluie qui tambourine la terre rouge, laissant apparaitre un nuage rougeâtre d’un mètre de haut qui s’élève du sol, la puissance du vent et du soleil… C’est de ce mélange des éléments qu’est née cette première série. »

 

    Vues de l’exposition « Partage d’un songe » de Pauline Guerrier au Musée de Ouidah de la Fondation Zinsou en 2018.

Pauline Guerrier, Les Ciels Fantasmés d'Afrique IV et V, Série « Les Ciels Fantasmes d’Afrique »,  Coton teint à la main et bois, 2018, Collection Zinsou.

En bas : pages de carnet de croquis réalisés lors de la résidence, présentées sous verre.

© photo : Jean-Dominique Burton


 

« Auparavant, j’avais déjà travaillé ces techniques et c’est une façon de représenter que je trouvais très intéressante, puisque c’est un dessin qui se fait par l’accumulation de traits. J’adore partir de petits morceaux et arriver à constituer des pièces larges et imposantes. En accumulant des petites infinités, elles deviennent une masse, une unité. »

 

 

Propos de Pauline Guerrier, recueillis par la Fondation Zinsou, à l’issu de sa résidence, le 03 octobre 2018.


 [1] Technique de teinture qui consiste à teindre en nouant (pour obtenir une teinture non uniforme).

[2] Abomey est une commune au sud du Bénin (en Afrique de l’Ouest) située à 145 km au nord de Cotonou ; elle est l’ancienne capitale du Royaume du Danhomè.

[3] Transformation de la surface d'un objet, d'une sculpture, se produisant avec le temps ou sous l'effet de certains traitements de surface.





 

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