Voyage avec Awoulath...

©Adrien Michel
J'avais remarqué Awoulath et sa manière de se plonger dans l'oeuvre de Bruce, le jour du vernissage. On pouvait deviner dans son regard, les mouvements qui traduiraient son émotion. Seule face au tableau, je ne me rappelle pas avoir vu un visiteur aussi concentré et absorbé. Personne ne l'entourait, seule l'oeuvre face à elle et cette compréhension qui se traduirait quelques mois plus tard dans la performance qu'elle nous a offerte aujourd'hui. Elle n'avait pas parlé à l'artiste, ce n'était pas nécessaire. Elle est venue avec ses danseurs. Ensemble ils ont regardé, plongé, avalé l'oeuvre. 

©Adrien Michel
Aujourd'hui, quand la musique a débuté, peu importait  notre présence... Le public ne semblait pas un élément de l'équation qui lie Awoulath à l'oeuvre. Sans mépris, sans rejet, sans hermétisme, elle a dansé mais elle ne dansait pas pour nous, elle dansait comme si elle était l'expression ultime des oeuvres, de l'oeuvre. Nous avons assisté, témoins hypnotisés, à l'intériorisation de l'oeuvre par l'artiste. 
Les personnes présentes dans l'espace ce jour là, ne pourront plus jamais regarder le Jardin de la Mémoire sans entendre ce cri bouleversant qui n'était pas celui des danseurs mais celui que n'ont jamais poussé les victimes. Ce cri déchirant qui traduisait celui, rétrospectif, de l'humanité face à l'horreur du génocide, ce cri qui n'a jamais été hurlé, ce cri muet de l'artiste qui prend forme à travers le ressenti de la chorégraphe. Ce cri qui a remplacé les gestes, ce cri qui ne pouvait être muet, ce cri qui nous a fait entrer dans l'horreur de cette oeuvre, dans l'horreur que peut produire notre humanité. Et nous étions tous là, muets, choqués, complètement pris de court comme si ce cri nous faisait réaliser ce qui s'est passé sous nos yeux, il y a vingt ans. 

©Adrien Michel
Les corps des danseurs recroquevillés, tels l'Humanité; le piège de "X comme ces millions d'anonymes..." se refermant sur un danseur happé par le texte, les mots de l'artiste, du militant, vécus, interprétés, dansés comme si sa vie en dépendait, cette danseuse face à la Fin des Haricots, seule dans une lutte face à une absence d'ennemi, un homme casqué droit devant l'Homme debout.... 

©Adrien Michel
Les quelques mots d'Awoulath à la fin de cette performance tellement belle, tellement forte et tellement éprouvante. Les larmes qui montent quand elle remercie la Fondation de lui donner cet espace d'expression... Ces larmes à elle car elle a touché au plus juste de l'oeuvre et du sentiment humain. Elle vient sous nos yeux, d'exprimer l'histoire de l'Afrique contemporaine, elle l'a vécue en un instant et nous l'a transmise. Elle a traduit l'histoire en art, elle a traduit l'art en humanité. 

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