Les incroyables chasseurs de la forêt de Bantè


Aujourd'hui, réponse à la devinette:

Ces magnifiques portraits sont ceux des chasseurs de la forêt de Bantè, immortalisés par Jean Dominique Burton. Nous sommes repartis à l'aventure avec notre ami photographe et nous avons décidé de produire, en collaboration avec la Fondation Georges Arthur Forrest, ce nouveau travail fascinant, un livre et une exposition, qui verront le jour en novembre 2011.

Voici quelques éléments pour découvrir ces personnages méconnus et hors du commun:

Les Chasseurs Nagô du Royaume de Bantè forment une confrérie de chasseurs, placée sous l'autorité d'un Roi traditionnel. Le Royaume est situé au cœur du Bénin, dans la Forêt de Bantè. Le Royaume de Bantè se compose de vingt-sept villages, chaque communauté comptant un Chef Chasseur. 
Au-delà de l'activité de chasse, aujourd’hui limitée au petit gibier, les Chasseurs de Bantè se sont mués en protecteurs de leur environnement, de la Forêt de Bantè, et de leur patrimoine culturel, une culture riche et intimement liée à la forêt.

La chasse revêt un caractère solennel. Elle débute par des louanges et est rythmée par des chants. Les louanges, marque de respect précédent l'acte de chasse, sont autant spirituelles qu'adressées aux animaux eux-mêmes, avec lesquels les Chefs Chasseurs affirment communiquer. Outre leurs fusils, ces derniers arborent un grigri et des habits voyants, tenue d'apparat réservée à la seule activité de chasse. Le grigri confère aux Chasseurs une invisibilité, d'où l'absence de camouflage. Ces aspects cérémoniaux sont au cœur du travail de Jean-Dominique Burton. Il présente un portrait de chaque Chef-Chasseur de Banté, soit trente-cinq, en tenue de chasse. Si la couleur des habits et de la peau est préservée, la nature, en arrière- plan, est au contraire présentée en noir et blanc, utilisée comme studio, renforçant l'opposition entre visibilité apparente, l'éclat des vêtements, et invisibilité rituelle.
Aux dépends de la chasse au grand gibier, aujourd'hui abandonnée, les Chasseurs se sont mués en acteurs essentiels de la préservation de leur environnement : par la défense de la Forêt de Bantè d'une part, par la protection de leur culture d'autre part. Dépositaires d'une tradition intimement liée à leur environnement, les Chasseurs Nagô conservent notamment une connaissance exceptionnelle de traitements à base de plantes médicinales. Jean-Dominique Burton associe à chaque portrait de chasseur un portrait de l'une de ces plantes, librement choisie par le chasseur photographié. Les vertus des plantes sont par ailleurs commentées par les chasseurs, ce qui révèle indirectement un aspect de la singularité et de l'histoire de chacun. L'âge des Chefs Chasseurs actuels varie de 51 ans, pour le plus jeune, à 105 ans, pour le plus âgé, une longévité qu'ils attribuent à leurs connaissances médicinales. Contrairement aux portraits de chasseurs, la nature conserve ici ses couleurs, le vert et le brun, ce qui accentue la communion des chasseurs et de leur environnement. La nature devient ici un personnage à part entière, vital pour les chasseurs et leur communauté.
La communauté Nagô de Bantè pratique le Vodoun, un Vodoun centré sur Ogou, Divinité du fer. L'importance attachée à celle-ci repose sur la tradition de chasse de Banté, en référence à la nature matérielle des armes et munitions utilisées. Le Vodoun est à vrai dire omniprésent et ordonne la vie de la Communauté. À la mort d'un Chef- Chasseur par exemple, le Bokonon, que l'on nommerait grossièrement un “devin”, consulte le Fâ afin de lui désigner un successeur. C'est donc l'art divinatoire qui désigne et confère à un Chef-Chasseur la puissance de son prédécesseur, non le Roi ou quelque autre autorité administrative.

L'origine du Royaume de Bantè

Au 14ème siècle, les autorités du Village de Bantè envoient des émissaires à l'est, sur les rives du Niger inférieur, à la recherche des Yorubas. Redoutables chasseurs, la réputation de ces derniers dépasse, de loin, à cette époque déjà, les frontières de l'actuel Nigéria. Bantè est alors en proie aux ravages d'un couple d'aigles, s'en prenant aux nouveau-nés qu'ils enlèvent et dévorent. C'est un chasseur Nagô, sous-groupe de l'ethnie Yoruba, qui en délivre les villageois. Les aigles sont tués, tâche dont seul un chasseur exceptionnel pouvait s'acquitter. Le héro de Bantè, Obiti, est originaire de Kobagbe, un village de la région de la Cité sacrée de Ilé-Ifè, berceau de l’humanité selon la légende Yoruba. En remerciement, le Village de Bantè s'offre à lui, désormais Roi protecteur, qui s'y installe, accompagné de sa famille. C'est ainsi que naquit, selon la tradition orale, la dynastie Nagô de la Forêt sacrée de Banté. Le Royaume a survécu aux aléas de l'histoire, bien qu'il ait été interrompu à plusieurs reprises. Il est aujourd'hui administré par son dixième Roi, Ade- Fouiloutou Laourou. Par son isolement géographique, en plein cœur du Bénin, et par le microcosme culturel qu'il forme, Bantè conserve un héritage traditionnel unique, magnifiquement préservé du tourisme et d'influences nigérianes, burkinabées, nigériennes ou maliennes.







Commentaires

  1. Merci à la fondation Zinsou et au photographe. ça donne de l'émotion de revoir ces sages de chez moi dont j'ai reconnu certaines photos.

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  2. Voici un bon commencement de travail. Cependant faisons attention aux remarques apparemment minimes mes très importantes au fond suivantes: le terme VODOUN n'est pas approprié à l'ère culturelle à laquelle appartient Bantè. Par ailleurs, comme nous le confirme Paul Hazounmè dans DOGUICIMI, le terme NAGO a été péjorativement imputé aux Yoruba qui donnaient de soucis au royaume de Danhomè. A ce niveau, je crois alors que pour des travaux sérieux de recherche on doit avoir l'élégance intellectuelle de ne pas continuer de nous infliger l'insulte NAGO. Nous sommes Yoruba au Bénin.

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  3. Cher Monsieur Alabukun,
    Merci pour l'interêt que vous portez au travail de la Fondation. Les informations que vous avez pu lire dans le métro sont extraites des témoignages des chasseurs. Nous ne nous serions pas permis d'employer des termes qui n'étaient pas dictés par eux. Ils se présentent comme Nagô et nous ne nous sommes pas autorisés à changer leur termes par respect pour eux.

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  4. Merci à la Fondation Zinsou et à Dominique Burton pour ce travail qui me fait rappeler les retours des parties de chasses de mon grand père OKPA KPACHA c'est-à-dire "le chasseur aux coupe-coupes" comme on l'appelle dans mon village natal Atokolibé au pays des pactes de terre.
    Aujourd'hui nos parents chasseurs ont en charge la préservation de nos forêts et contribuent ainsi à la préservation de la biodiversité. Ils jouent alors un rôle essentiel dans la lutte contre la désertification, les effets néfastes des changements climatiques et par ricochet dans l'atteinte des OMD.

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  5. C'est une très belle oeuvre, ce "rapportage". Je suis de natif de la commune et pour moi c'est une fièrté. Ce que je peux ajouté, nous somme "Nago" même si c'est "péjoratif" de la grande famille des "Yorouba". Plus spécifique, ce qui différencie le "Nago" de Bantè des autres "Nago" (savè, Tchaourou, Bassila, Kétou, Sakété, Pobè etc...) c'est que nous sommes "Omon Itcha" et donc notre réel groupe sociolinguistique ou socioculturel est le "Itcha" ou "N'Tcha"

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  6. Bonjour

    je me norme amine laourou. je souhaite vivement savoir s'il y a une possibilité de faire venir l'exposition à Montréal.
    www.fondationlaourou.org

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